Nouvelle éthique mondiale et éducation de la jeunesse

L’EDUCATION DE LA JEUNESSE A L’HEURE DE LA MONDIALISATION Dans le cadre de la célébration delà Journée Diocésaine des Jeunes, il m’a été demandé de donner une conférence sur le thème « Jeunesse et Education », tout en sachant que le thème principal de la Journée Diocésaine des Jeunes est « Jeune d’Isiro-Niangara, lève-toi et marche ! »(Ac 3, 6). A cela s’ajoute cette autre précision : la conférence se donnera à l’Université. Dès lors, j’ai été dans un embarras d’orientation du thème de la conférence et de l’articulation de ce thème dans celui de la Journée Diocésaine des Jeunes, sans perdre de vue évidemment l’auditoire auquel je devrais m’adresser. Je me suis alors posé plusieurs questions : « Jeunesse et Education », est-ce à dire que la jeunesse n’est pas éduquée ? Répondre par l’affirmative serait pêcher contre toute évidence ! E t alors, si la jeunesse est éduquée, de quelle éducation veut-on que l’on parle ? Cette question appelle toute une légion de réponses. Ce n’est pas tout : notre jeunesse n’est-elle pas confessionnelle ? Bien sûr que oui ! Elle est tout à tour musulmane, protestante, catholique, etc. Ce qui me poussera plus loin d’abonner plus en faveur de la jeunesse catholique, d’ici ou d’ailleurs. Mais encore, cette jeunesse n’est pas seulement catholique. Outre son identité confessionnelle, la jeunesse partage aussi une identité socioculturelle et sociopolitique ; elle est héritière d’un bagage socioculturel déterminé. Elle ne vit pas en vase clos. Bien au contraire, cette jeunesse est au courant de plusieurs autres idéologies et nouveautés socioreligieuses, socioculturelles ou socio-morales, surtout en ce 21ième gravement marqué par l’influence des moyens de communication sociale, qui font du monde un seul village. Il faut déjà noter que je veux parler de la mondialisation. La mondialisation nous met en contact avec tout le reste de l’humanité. Elle ouvre la jeunesse à d’autres « valeurs ». Mais alors, il s’avère que pour l’éducation d’une jeunesse catholique, de garde-fous s’avèrent nécessaires dans ce contexte de la mondialisation. Mais aussi, pour toute la jeunesse des pays pauvres qui n’ont apparemment rien à apporter dans cette mondialisation où le matériel fait sa loi, il s’avère tout aussi nécessaire qu’urgent de ne pas perdre de vue certains repères, afin de pas être sucé comme une orange dans et/ou par le pressoir de la mondialisation, et jeté finalement comme une ordure dans la poubelle de l’histoire. La mondialisation ne nous trouve pas bredouille. Malgré l’apparente pauvreté économique ou matérielle, la jeunesse catholique dispose d’une richesse à la fois religieuse, culturelle et morale qu’il faut préserver. La mondialisation se présente à mon avis comme un monstre aux apparences d’un ange. Ce monstre est capable de dévorer les valeurs religieuses, morales et culturelles de notre jeunesse, de valeurs dont je parlerai plus tard. Que faire alors ? Rejeter la mondialisation en bloc ? Ca serait injuste ! Mais comment faire pour que le monstre ne nous dévore pas ? Eh bien ! Puisqu’on a affaire à un monstre, il va falloir commencer par le montrer, affirmer, affirmer ensuite les valeurs que le monstre tend à dévorer, et enfin de se confirmer dans lesdites valeurs. Cela étant, je me permets maintenant, avec l’autorisation présumée des organisateurs, de reformuler le thème de mon exposé au regard des articulations que je viens de faire. Ainsi, j’intitule mon exposé « L’éducation de la jeunesse à l’heure de la mondialisation ». Le squelette de cet exposé est tripartite : le premier moment verra mon attention se focaliser sur le phénomène de la mondialisation, afin d’en saisir le sens. Dans le deuxième moment, je m’efforcerai, tant que faire se peut, et sans aucune prétention d’exhaustivité, à montrer la monstruosité angélique de la mondialisation culturelle et morale, qui opère une révolution sans coup de feu ni effusion d sang, notamment à travers de nobles concepts tels que parité, genre, santé reproductive, maternité sans risque, réduction de la pauvreté, etc. Ce sera pour moi l’occasion de montrer également les valeurs religieuses, culturelles et morales que la mondialisation tend à dévorer. Le troisième moment ne sera qu’une brève interpellation de la jeunesse, pour qu’elle soit capable d’opérer de choix authentiques par rapport à l’Evangile et à la vérité de la nature humaine et de nos cultures. Je m’inspirerai volontiers de documents de l’autorité de l’Eglise Catholique, notamment le Conseil Pontifical pour la Famille, et de travaux et recherches de Anne Peeters MARGUERITE, de l’Institut pour une Dynamique de Dialogue Interculturel basé à Bruxelles, en Belgique, qui élabore de modules de formation et publie de bulletins d’information auxquels chacun peut s’abonner. I. CE QU’EST LA MONDIALISATION Dans cette première partie, je m’appliquerai, comme déjà dit plus haut, à cerner le phénomène culturel de la mondialisation. Si peu que l’on puisse faire un saut dans l’histoire politique du monde d’après la Deuxième Guerre Mondiale, l’on notera ce qui suit : la fin de la 2Ième Guerre Mondiale a laissé subsister deux blocs géopolitiques antagonistes : d’une part, le bloc d l’Est, constitué de pays communistes aux régimes totalitaristes ; il s’agit notamment de l’Union Soviétique, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, et d’autres pays satellitaires. Et, d’autre part, le bloc de l’Ouest, constitué de pays capitalistes, aux régimes politiques plus ou moins démocratiques : il s’agit des USA et de ses alliés : la Grande Bretagne, la France, la Bulgarie, la Belgique, etc. Notons que chaque bloc avait ses alliés dans le reste du monde. Malgré la cessation officielle des hostilités, les deux blocs n’avaient pas arrêté de se livrer la guerre, une guerre que l’on a qualifié de « froide », à travers la course ou la concurrence dans l’armement. Un rideau de fer séparait alors les deux blocs. Les échanges et coopérations étaient très limités. Le gâteau mondial était comme divisé en deux tranches. Mais avec le temps, les rivalités entre les deux blocs commencèrent à se détendre. L’arrivée de Mikhaïl GORBATCHEV à la tête de l’Union Soviétique devait changer la donne : il lança sa politique des réformes dans le bloc communiste, et l’ouvrit aux notions démocratiques(Perestroïka). EN même temps, dans le bloc occidental capitaliste, il y avait un désir tacite de moderniser le système socio-économique du bloc communiste, ne serait-ce que pour s’éviter un afflux de migrants . Ainsi s’achevait petit à petit l’ordre de la Guerre Froide, ou l’ordre du clivage de deux blocs géopolitiques. Le processus reçut un tonus déterminant avec la destruction du Mur de Berlin en Novembre 1989. Loin d’être une simple destruction d’une œuvre architecturale, la destruction du Mur de Berlin eut un effet socioculturel et sociopolitique intense : elle plongea alors l’humanité dans la hantise de la fameuse mondialisation. Sur le plan économique par exemple, on a assisté à la multiplication et à l’intensification des échanges et marchés mutuels entre les zones jadis opposées. En politique, le rideau de fer tombait ; la Guerre Froide cessait ; et le vent de la démocratisation soufflait dans les pays du Sud, déboulonnant des vieilles dictatures notamment africaines qui servaient de boucliers dans cette Guerre Froide sur le sol africain . Un clou chasse un autre, dit-on ! Au dire du Cardinal Francis George, « ce qui a remplacé l’ordre mondial de la Guerre Froide…c’est ce que l’on nomme aujourd’hui la mondialisation » . D’une manière simple, poursuit-il, on peut dire que la mondialisation est comme une extension et une compression du temps et de l’espace. On peut la définir comme une interdépendance croissante entre les personnes, les familles, les entreprises et nations, ainsi qu’entre les économies et marchés, qui a bouleversé des interactions et rapports sociaux . Concrètement, par rapport à l’antique logique de deux blocs, le monde est devenu un ; les frontières politiques ou économiques nationales s’écroulent ; les idées, les hommes et les capitaux circulent plus intensément et plus librement qu’avant. Outre le concours de moyens de transport dans ce processus de l’unification mondiale et d’ouverture des frontières, il faut ajouter la vertigineuse évolution et le perpétuel perfectionnement des technologies de communication. Cette donne médiatique est tout simplement le levain ou le ferment de la mondialisation. Les regroupements sociopolitiques tels que l’UE, l’ALENA, la SADC, le COMESA et tant d’autres encore confirment bien le processus de la mondialisation. Les opportunités et bénéfices de la mondialisation sont évidents et pléthoriques : possibilités d’une plus grande interconnexion de la famille humaine, facilités économiques et technologiques, accès aux informations politiquement, économiquement, juridiquement utiles, etc. Faut-il pour autant et ipso facto canoniser la mondialisation, ou l’envoyer chez le Bon Dieu sans confession ? Je pense que non ! Outre ses aspects négatifs évidents, tels que la réduction de la personne humaine à une simple machine de consommation et l’élargissement du fossé entre riches et pauvres (il faut bien le noter, car la mondialisation profite aux riches), je proposerai volontiers que l’on s’arrête un instant sur les aspects négatifs de la mondialisation dans le domaine socioculturel ou socio-moral. Car la mondialisation ne nous apporte pas seulement de facilités économiques ou technologiques, mais elle importe aussi des valeurs, de modes de vie, des idéologies culturelles, morales ou religieuses, et provoque ainsi une fracture dans le tissu culturel et le système de valeurs de peuples. Bref, la mondialisation apporte une nouvelle culture, une nouvelle moralité. Et cette importation n’est pas sans dommage pour l’éducation de la jeunesse. II. LA NOUVELLE ETHIQUE MONDIALE ET L’EDUCATION DE LA JEUNESSE Je venais tantôt d’attribuer à la mondialisation l’importation d’un système de valeurs et une nouvelle culture. Permettez que j’en revienne à la chute du Mur de Berlin. A partir de cet événement, qui a donné un tonus déterminant au processus de la mondialisation, l’ONU s’est donné le pouvoir légitime d’arbitrer le nouveau jeu mondial, c.à.d. le jeu d la mondialisation qui a succédé au jeu de la Guerre Froide. Et, logiquement, le monde étant unifié, tous les problèmes, du moins selon l’ONU, devenaient de problèmes mondiaux. Et pour les résoudre, il fallait de valeurs et de normes mondiales, et aussi l’aide des experts et technocrates aux commandes de l’ONU. C’est alors que l’ONU se mit à organiser et à multiplier des conférences intergouvernementales de grande utilité pour l’avenir de l’humanité, et cela durant la décennie 90. L’on peut citer la Conférence sur l’éducation en 1990(à Jomtien), celle sur les enfants et leurs droits à New York en 1990, la Conférence du Caire sur la Population en 1994, d’où nous viendra le concept de santé reproductive, de santé sexuelle, de diversité sexuelle, de sexe, grossesse ou maternité sans risque, de famille sous toutes ses formes, etc., de concepts dont il faut bien analyser le contenu, afin de découvrir les agendas cachés(…). Il y a également la Conférence de Pékin en 1995, sur les femmes, de laquelle nous tenons la noble idéologie du genre. Je note en passant que le genre est un concept noble, mais très piégé. J’y reviendrai ! De toutes ces conférences naîtra finalement un ensemble de valeurs, une nouvelle culture, une nouvelle morale, bref une nouvelle éthique mondiale au sujet de laquelle les éducateurs de la jeunesse et les jeunes eux-mêmes doivent être avertis, pour éviter tout mélange entre les valeurs évangéliques ou certaines valeurs de nos cultures, et une culture de libertinage, de non respect de la vie et de la mort, que nous risquons d’adopter dans le contexte actuel de la mondialisation. Je vais essayer de définir brièvement la nouvelle éthique mondiale, en prenant soin de montrer certaines de ses sources, et de pièges qu’elle tend notamment à la jeunesse catholique et celle des pays en voie de développement, et cela parfois au nom de droits de l’homme, de la réduction de la pauvreté, ou au nom de la liberté des individus. II.1. CE QU’EST LA NOUVELLE ETHIQUE MONDIALE Elle est difficile à définir, la nouvelle éthique mondiale. Pour peu que je puisse la circonscrire, je dirai que la nouvelle éthique mondiale est un ensemble de valeurs et de nouvelles notions sur le développement, la réduction de la pauvreté, la santé, la démocratie, etc. De notions qui proviennent des conférences intergouvernementales que l’ONU a organisées durant la décennie 90, avec l’aide de ses experts. Cette morale ou cette culture est nouvelle, en ce sens qu’elle tend et cherche à remplacer un ordre ancien, une culture ancienne. La nouvelle éthique mondiale veut instituer une nouvelle culture par rapport à la morale issue de la religion chrétienne ou de valeurs traditionnelles de nos cultures. Les ingénieurs de la nouvelle éthique mondiale ont comme projet de changer l’ordre ancien ; cet ordre ancien, c’est tout l’ensemble de vérités et valeurs religieuses, culturelles et morales, en banalisant tous les interdits attachés à ces valeurs. Par exemple, là où il était interdit d’avorter au nom de la religion ou de la culture, il faut supprimer cette morale ancienne, en cherchant à faire de l’avortement un droit reproductif de la femme. Ainsi, une valeur telle que le respect sacré de la vie humaine est supprimée au nom du droit reproductif de la femme enceinte. Il faudra pour cela forcer les pays pauvres à adopter et ratifier un certain Protocole de Maputo ; en retour, ils bénéficieraient de grands financements et d’aides en coopération bilatérale au développement, parce qu’ils seraient désormais de bons élèves dans l’école de droits de l’homme et de la femme, dont il faut toujours préciser le contenu ! Autre exemple : là où le mariage n’était que l’union naturelle entre un homme et une femme, il faudra commencer par montrer que ce mariage hétérosexuel est une pure invention socioculturelle, que la société peut changer à son propre gré. Et de là, on ouvre la porte à d’autres unions de fait, appelées « familles sous toutes ses formes », pour lesquelles on revendique une reconnaissance juridique. Ces familles sous toutes ses formes sont notamment des unions homosexuelles ou lesbiennes, ou de familles comprenant des individus clonés ou fruits d’inséminations artificielles. Il faudra ensuite argumenter que dans le mariage, la femme est considérée comme une machine de reproduction, surtout dans les pays pauvres, où certaines religions monothéistes accordent une valeur sacrée à la famille, à la reproduction, à la vie humaine, etc. On ajoute que la maternité, c.à.d. le fait pour une femme de devenir mère la condamne de fait à la pauvreté, en ajoutant à cela que la surpopulation est l’une de principales causes de pauvreté dans les pays du Tiers Monde, et que cette surpopulation menace l’équilibre socio-économique du moins, mais plus précisément des nations riches. Il faudra alors encourager une culture antinataliste, c.à.d. une culture où on effacerait la natalité par la promotion des contraceptifs, abortifs ou préservatifs, en argumentant parfois que les avortements clandestins constituent la principale cause de mortalité maternelle, ou que les préservatifs constituent la meilleure sécurité contre le SIDA, ce qui est très discuté, et qui ouvre plutôt la porte à la prostitution et à l’infidélité conjugale ! Autant de modèles proposés à la jeunesse dans cette mondialisation culturelle, mais qui ne cadrent point avec la morale chrétienne et celle de nos cultures dans lesquelles la jeunesse doit être éduquée. Mais d’où vient finalement cet ensemble de belles notions au contenu ambivalent ? II.2. LES ORIGINES DE LA NOUVELLE ETHIQUE MONDIALE J’ai déjà fait allusion au rôle déterminant des experts et technocrates qui devaient aider l’ONU à élaborer les normes et règles d’arbitrage du nouveau jeu de la mondialisation. Ces experts ont appartenu à plusieurs courants philosophiques . Ils se sont inspirés de ces courants pour concevoir et justifier des expressions et valeurs à proposer comme une nouvelle morale de la mondialisation. Ces courants philosophiques sont notamment le malthusianisme, le structuralisme, le marxisme et l’existentialisme féministes, l’eugénisme néomalthusien et l’hédonisme, le tout reposant alors sur la postmodernité. Je vais expliquer toutes ces philosophies en de termes simples et potables : 1. Le malthusianisme : ce courant soutient qu’il y a un déséquilibre entre les ressources alimentaires et la quantité de bouches à nourrir. Pour éviter la famine, il faut encourager le mariage tardif et la continence pour les individus moins doués, avec l’espoir de diminuer ainsi le nombre de bouches à nourrir . EN 1968, le Club de Rome pensera que la surpopulation, surtout dans les pays pauvres, représente une menace imminente contre la sécurité de la planète . EN 1974, un Secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger, conclura au terme d’une étude que la croissance démographique des pays en voie de développement constitue une source de déstabilisation sociale, et donc une menace à l’approvisionnement des ressources nécessaires à l’économie américaine . Dès lors, des efforts se multiplieront pour accuser les pays pauvres d’être à la base d’une éventuelle crise mondiale et les forcer à adopter des politiques d’avortement, pour bénéficier d’une aide au développement . Ou encore, on s’efforcera de faire de l’avortement un droit que la femme doit revendiquer contre l’avis de son mari, de ses parents, de son Etat, de sa religion, de sa culture, etc. 2. Le marxisme féministe : Karl Marx est connu pour sa théorie de deux classes sociales, la classe des prolétaires et celle des patrons. Les patrons écrasent les prolétaires et les exploitent. Ces derniers, c’est-à-dire les prolétaires doivent opérer une révolution pour changer cette situation d’injustice. L’ami de Karl MARX, Friedrich ENGELS, pensera quant à lui que la vraie lutte sociale ne se passe pas entre les prolétaires et les patrons, mais plutôt entre l’homme et la femme dans un mariage : l’homme exploite la femme en la réduisant à une machine de reproduction . Il faut que la femme se libère de cet esclavage de la reproduction, en libérant sa sexualité. Elle doit éliminer les stéréotypes répressifs de mère ou épouse lui imposés par l’homme. La femme peut alors, pour bien se libérer de la maternité, avorter, choisir de devenir « époux » d’une autre femme. C’est-à-dire que la voie est ouverte aux IVG, au lesbianisme, etc. Plus loin, on revendiquera la parité et le genre. Nous y reviendrons comme promis. 3. L’hédonisme soutient que le plaisir est le bien suprême que l’homme doit chercher, sans que rien ne l’empêche. Il faut détruite toute discipline sexuelle en famille, car la famille empêche ainsi l’épanouissement de la personnalité par des multiples interdits . Bref, il y a deux courants qui se rencontrent et se servent mutuellement : le premier travaille pour la réduction de la population des pays pauvres à travers la légalisation de l’avortement ou de la contraception au nom de libertés et droits reproductifs, ou santé reproductive. C’est le néomalthusianisme. Ce courant se sert du deuxième courant qui est l’hédonisme ou l’exaltation du plaisir, surtout du plaisir sexuel, par la banalisation de la virginité, de la fidélité conjugale à travers la vulgarisation des préservatifs. Tous ces deux courants se ressourcent et se reposent alors sur la postmodernité. La postmodernité est une réaction philosophique et culturelle contre la modernité du Siècle des Lumières, le 18ième Siècle durant lequel la raison humaine a été exaltée à cause de multiples découvertes scientifiques. Mais après son exaltation, l’on remarquera que la raison humaine avait ses limites. C’est le début de la postmodernité, qui n’est rien d’autre qu’une réaction pessimiste et de révolte contre les prétentions absolues de la raison humaine. Selon la postmodernité, rien n’est objectif ; rien n’est définitif ; rien n’est absolu ; tout est plutôt relatif . Il faut casser toute autorité : religieuse, scolaire, maritale, parentale, familiale, culturelle, pour laisser l’individu libre d’opérer ses propres choix : choisir d’être un homosexuel aujourd’hui, stérile demain, hétérosexuel, pédophile, zoophile ou incestueux après demain. Il faut favoriser un accès libre des enfants et des jeunes à leur santé sexuelle ; il ne faut pas étouffer leur diversité sexuelle. C’est ça la postmodernité, l’exaltation du libre choix individuel contre toute autorité. Tel est le contexte socioculturel et socio-moral de la mondialisation ; telles sont les apparences angéliques que porte le monstre. Cadeau empoisonné, Cheval de Troie ! Que faire alors pour la jeunesse face à un tel contexte culturel qui les encourage à se libérer de l’autorité de Dieu, de leurs parents, de leurs cultures pour embrasser toutes les nouveautés évoquées ci-haut au nom du libre choix individuel ? Comment peut-on demeurer chrétien dans un tel contexte ? Comment peut-on être agent d’un développement authentique sans tomber dans le piège du malthusianisme hédoniste et du marxisme féministe qui militent pour l’avortement, la contraception et l’homosexualité au nom de droits de l’homme et du développement ? Que faire finalement ? III. QUELQUES EXHORTATIONS A LA JEUNESSE ET AUX EDUCATEURS La mondialisation nous provoque. Nous devons réagir : 1. Non à l’ignorance L’ignorance est une mauvaise conseillère. A cette heure de la mondialisation, les ignorants seront les plus malheureux ; ils seront écrasés sans pitié par la machine de la mondialisation. Il en va de même pour leurs éducateurs. Les uns et les autres risquent d’opérer de mauvais choix à cause de l’ignorance. On risque de penser que toute nouveauté est une richesse ; et pour se l’approprier, il faut ignorer sa culture, les proverbes, contes, danses et chansons folkloriques, qui sont tout un gisement de valeurs nous permettant de rester nous-mêmes dans cette mondialisation culturelle. Je l’avais dit au départ : les moyens de communication sociale (radio, télévision, téléphone, internet) sont l’un de moteurs de la mondialisation. Il faut encore ajouter l’influence de l’anglais, langue du village planétaire. En ce siècle de la mondialisation, l’analphabète n’est plus celui qui ne sait ni lire ni écrire, mais c’est celui qui ne maîtrise pas l’informatique et l’anglais. Ce n’est pas tout ! Il faut encore savoir que les moyens de communication sociale peuvent chasser l’Evangile et leurs cultures du cœur des gens ; les moyens de communication sociale peuvent aussi salir le cœur à travers la pornographie, les danses obscènes, les accoutrements érotiques, etc. Jeunes et éducateurs sont devant un choix multiple et l’organisation de rester authentiquement chrétiens, et authentiquement africains. 2. De la vigilance Les jeunes d’aujourd’hui sont les gouvernants de demain. Demain, la mondialisation sera plus intense qu’aujourd’hui. Vigilance pour aujourd’hui et pour demain, par rapport à une culture hédoniste, une culture qui sacrifie la vie humaine au bénéfice du plaisir sexuel, une culture de la mort. Elle se manifeste, cette culture, dans les idéologies de santé reproductive ou de santé sexuelle, qui encourage le libertinage sexuel en évitant la procréation, et cela par la distribution des préservatifs. L’objectif est de freiner la croissance des populations pauvres, ou bien de faire prospérer l’industrie et le commerce du préservatif qui, en plus de la drogue et des armes à feu, constitue l’un de commerces les plus juteux, qui enrichit les riches, fabricants de préservatifs, et appauvrit financièrement, culturellement et démographiquement les pauvres. Le SIDA constitue parfois le meilleur prétexte pour la vente des préservatifs. Le préservatif à son tour favorise de comportements sexuels qui exposent au SIDA, notamment la prostitution et l’infidélité. Je dois dire que c’est avec beaucoup de satisfaction que nous saluons les campagnes de sensibilisation de PNMLS contre le SIDA, campagnes qui cherchent à retrouver et à promouvoir de valeurs culturelles d’abstinence et de fidélité pour se protéger du SIDA. De la vigilance encore, car les nations pauvres se voient de plus en plus sollicitées et même obligées de ratifier de protocoles de mort, qui légalisent l’homicide de l’avortement. Avec comme agenda caché, la réduction de la pauvreté par l’élimination des pauvres. Nous devons nous rappeler que les vraies causes de notre pauvreté sont d’ordre sociopolitique : la corruption, les guerres, la mauvaise gestion, et non pas la surpopulation, parce que la Hollande est par exemple très peuplée, sans être pauvre ; le Liberia moins peuplé, sans être riche. Que dira-t-on alors de la Chine populaire ? 3. De la lucidité et de la perspicacité Les jeunes sont appelés à un jugement perspicace et lucide par rapport aux nouveautés de la mondialisation. Parlons un peu de l’idéologie du genre ! Nos cultures ont certaines pratiques rétrogrades et injustifiées par rapport à la femme : pour le seul motif de sa féminité, la femme ne doit pas manger ceci ou cela. Chacun peut multiplier les exemples. Et pourtant, l’homme et la femme sont égaux en dignité ; rien ne justifie des discriminations ; partout où elles existent, il faut les combattre. Cependant, faisons bien attention ! L’idéologie du genre s’inspire du structuralisme et du marxisme féministe. Ces idéologies soutiennent d’une part que le fait d’être homme ou femme est bien naturel ; mais le fait de devenir époux ou épouse, père ou mère relève de pures inventions culturelles qu’il faut détruire. D’autre part, on pense que pour libérer la femme de l’esclavage de la maternité qu’elle subit dans le mariage ou dans la famille, il faut tout simplement détruire le mariage entre un homme et une femme, pour créer des unions homosexuelles et lesbiennes comme « familles sous toutes ses formes » où il n’y aura plus cet esclavage de la maternité. Tout en sachant que ces idéologies, qui sont à la source de l’idéologie du genre, rendent impossible la succession des générations et favorisent le vieillissement de la population, demandons-nous si, en les adoptant, on peut demeurer chrétien et africain en même temps. L’idéologie du genre doit nous aider à corriger les discriminations socioculturelles et sociopolitiques, mais qu’elle ne nous amène pas à détruire ou à déstructurer le mariage ou la famille, car la famille est un gisement de valeurs et un gage de stabilité économique pour ceux qui la constituent. A cet effet, le contexte socio-économique de notre pays a déjà prouvé la contribution des femmes au bien-être de leurs familles à travers l’économie informelle, lorsque les pillages et guerres de libération ont généralisé le chômage et les pertes d’emploi. La famille a aussi une place de choix dans le dessein de Dieu : être le lieu où naît la vie, une vie dont la société et l’Eglise ont besoin. L’idéologie du genre devient dangereuse, du moment qu’elle déstabilise la famille, en jetant les enfants dans la rue, en livrant la femme au lesbianisme et l’homme à la prostitution ou à l’alcoolisme. J’en profite pour signaler en passant qua la féministe qui réussit à faire passer cette idéologie à la Conférence de Pékin est tristement célèbre (paix à son âme !), réputée pour son combat en faveur de droits des lesbiennes, c’est-à-dire de femmes qui ont le projet de « se marier » entre elles . Si la famille est déstabilisée, c’est la catastrophe et pour la société, et pour l’Eglise. C’est dire que la famille a un rôle important dans la formation du capital humain d’un pays. 4. De la fidélité aux valeurs évangéliques La nouvelle éthique mondiale veut s’attaquer aussi aux valeurs religieuses, et cherche à balayer tous les interdits qu’opposent les religions. A la Conférence onusienne du Caire, un bras de fer très serré eut lieu entre les organisateurs et les dirigeants des religions monothéistes en ce qui concerne la légalisation de l’avortement. Catholiques et musulmans ont dit non à la légalisation de l’avortement ; quelles que soient les conditions et les circonstances, un avortement provoqué est un meurtre, un homicide. Dans la nouvelle éthique mondiale, on parle de l’avortement sans risque ou médicalisé, grossesse ou sexe sans risque, etc. C’est pour amener les jeunes, petit à petit, à se débarrasser de vérités et convictions de leurs religions et cultures respectives. Ainsi, les jeunes sont encouragés à se moquer de la maternité, de la virginité, de la fidélité lorsqu’on leur distribue de préservatifs. En conclusion, je dirais que la mondialisation est comme un trais mis en marche sans notre avis. Nous ne devons pas nous résigner, nous laisser écraser par ce train. Nous sommes appelés à y prendre place sans nous débarrasser de nos identités religieuses et culturelles, quelles que soient les sollicitations et les avantages socio-économiques qui les accompagnent. Lève-toi et marche ! (Ac 3, 6). C’est l’Apôtre Pierre qui ordonne à un infirme de se lever, c’est-à-dire de recouvrer sa santé. Mais Pierre ne le fait pas de son propre pouvoir ; c’est par la puissance du Christ Ressuscité qu’il opère ce miracle. Se lever suppose que l’on est couché, courbé ou assis. Et l’on se lève pour se tenir debout ou pour partir. Dans tous les cas, il s’agit d’un changement positif par rapport à une position donnée. 50 ans de l’indépendance nationale, 50 ans de l’érection du Diocèse d’Isiro-Niangara ; à cela s’ajoute la tourmente de la mondialisation. Il faut se lever pour un nouveau départ, dans la fidélité à l’Evangile du salut. Il faut repartir du Christ ! (Pape Jean-Paul II, Novo Millenio Ineute). Abbé Richard AMALEBONDRA Masiafuadri Conférence donnée à l’Université de l’Uélé le 15 mai 2010
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